
Dès l’ouverture, Le Cloître instaure un climat lourd, suffocant. Givre ne cherche pas à séduire ni à rassurer : l’album se présente comme un chemin de douleur, une plongée dans la foi vue à travers le prisme de la souffrance. Chaque morceau s’inspire d’une sainte dont les écrits et les visions deviennent autant de chapitres d’un récit mystique et tourmenté.
On traverse ces six stations comme on arpenterait les couloirs glacés d’un cloître désert. Les riffs se dressent comme des murs de pierre, inébranlables, tandis que les voix lacèrent l’air de leur détresse. Il y a dans cette musique une colère sourde, mais aussi une tristesse profonde, une mélancolie qui ne se détache jamais vraiment du tumulte. Par instants, la violence explose comme une tempête, puis s’efface pour laisser passer des passages plus contemplatifs, presque lumineux, mais toujours empreints d’un malaise latent.
L’intelligence du propos se révèle aussitôt. Le Cloître ne cède ni à la provocation facile ni au rejet caricatural du religieux. Givre choisit d’entrer pleinement dans l’ambiguïté de ces figures féminines, dans l’idée d’une foi qui ne se vit qu’au travers de l’épreuve du corps et de l’âme. L’album ne prétend pas délivrer une vérité, mais illustre le lien étrange entre douleur et transcendance.
À l’écoute, on ressent que chaque détail a été pensé pour immerger l’auditeur. Le son est massif, étouffant, mais jamais excessif. Les musiciens façonnent un climat où chaque note pèse, chaque silence résonne et chaque cri s’imprime durablement. On ne sort pas indemne de ce disque : il s’infiltre dans la peau, épuise et fascine à la fois.
Le Cloître dépasse largement le cadre d’un album de black metal classique. C’est une œuvre qui interroge la signification de la souffrance, la manière dont elle traverse l’histoire et la spiritualité. Rarement un disque aura su marier avec autant de force rage, tristesse et pertinence du propos.
Publié le 29 mars 2024 chez Eisenwald, disponible en vinyle, CD et digital, Le Cloître marque une étape importante pour Givre et confirme la place du black metal québécois parmi ses voix les plus singulières et ambitieuses.
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