Cette chronique ne vise pas à promouvoir une nouveauté, ni à mettre en avant un partenaire ou une sortie récente. Elle s’attarde plutôt sur un album charnière dans l’histoire du métal noir québécois : Thèmes pour la Rébellion de Forteresse.

Sorti il y a déjà plusieurs années, cet opus demeure une œuvre essentielle, tant pour sa force musicale, véritable déferlement de riffs fiers et héroïques, portés par un souffle d’espoir, que pour la profondeur du propos qu’il porte. L’album ne se contente pas d’invoquer l’esprit de la révolte: il incarne la mémoire d’un peuple et la persistance de son identité.
En ces temps particuliers où la question de la souveraineté refait surface dans nos médias et nos conversations, il est sain de se rappeler ce que représente réellement cet héritage. D’autant plus qu’il devient nécessaire de répondre aux caricatures venues d’ailleurs, notamment de certains cercles français dits “antifa”, prompts à coller des étiquettes infamantes sans comprendre le contexte qu’ils jugent.
Pour eux, tout symbole d’attachement à la terre et à la culture semble suspect. Ils confondent mémoire nationale et idéologie extrême, incapables de distinguer l’histoire d’un peuple de la propagande qu’ils prétendent combattre. Et pendant qu’ils brandissent leurs slogans de façade, criant que “tout le monde déteste les racistes”, on les voit frapper du bâton ceux qui osent porter le drapeau des Patriotes, symbole d’une rébellion pourtant née contre l’oppression.
Mais qu’on ne s’y trompe pas : le sujet ici n’est pas ces groupes sans racines. Il s’agit de rappeler que, dans une province où tout semble organisé pour étouffer l’esprit québécois, de la culture subventionnée jusqu’aux discours politiques et médiatiques, Forteresse rallume une flamme que beaucoup voudraient voir s’éteindre.
C’est donc pour tenter de remettre les pendules à l’heure, avec humilité mais une conviction sincère, qu’Obscurium Webzine consacre cette chronique à Forteresse. Celle-ci se divisera en deux volets :
- Une première partie centrée sur la musique elle-même, la chronique classique, où nous aborderons la structure, la puissance et le souffle de l’album.
- Une seconde partie consacrée à l’histoire des Patriotes de 1837, afin de comprendre les racines du thème et la portée symbolique de cette rébellion dans la mémoire québécoise.
Car pour saisir Thèmes pour la Rébellion, il faut non seulement écouter les notes, mais aussi entendre le passé qui s’y rallume, celui d’un peuple qui refusa de plier devant l’Empire.
Forteresse – Thèmes pour la Rébellion (Chronique)

Il y a dans Thèmes pour la Rébellion un souffle ancien, un vent qui traverse le temps. On y pénètre comme on franchit un seuil oublié, porté par un cri du cœur qui ne cherche ni mode ni effet. Forteresse y retrouve la fougue de ses débuts, mais avec une clarté nouvelle, une énergie qui fait vibrer autant l’oreille que la mémoire.
Les guitares tracent des mélodies franches, pleines d’élan, jamais noyées dans la cacophonie. Les riffs vont droit au but, portés par une batterie au pas régulier, telle une marche vers un idéal. La production, plus nette que sur les premiers albums, donne à chaque instrument la place qu’il mérite. On y sent la rigueur du groupe, cette volonté de rendre hommage à quelque chose de plus grand que lui.
L’album dégage un sentiment d’espoir héroïque. Pas une violence aveugle, mais une force qui élève. Chaque morceau raconte un chapitre de la lutte: fierté, perte, persévérance. On pense aux anciens, à ceux qui ont tenu tête, et à cette idée que la rébellion, avant tout, c’est une question de dignité.
Les critiques l’ont souvent souligné : Thèmes pour la Rébellion est un tournant. Plus direct, plus vivant. Là où certains groupes s’égarent dans l’ambiance ou la surproduction, Forteresse garde le cap. Les mélodies respirent, les transitions sont naturelles, et même dans les moments de furie, on sent une main humaine derrière chaque note.
Il y a aussi quelque chose de profondément québécois dans cet album, pas seulement dans les paroles ou les thèmes, mais dans le ton, dans cette façon de mêler la mélancolie au courage. Une musique enracinée, sans prétention, mais pleine de conviction.
En somme, Thèmes pour la Rébellion n’est pas qu’un album: c’est une déclaration. Un rappel que la musique peut être un acte de mémoire, et qu’au-delà du bruit et des polémiques, elle continue de parler à ceux qui savent encore écouter.
Soutenez ces groupes en achetant leur merch directement auprès des labels avec lesquels ils ont signé. Dans le cas de cet album, il est disponible via Sepulchral Productions. Petit rappel également : Forteresse sera présent à La Messe des Morts cette année.
- Bandcamp: https://forteresseqc.bandcamp.com/
- Facebook: https://www.facebook.com/profile.php?id=100045145178236
- Instagram: https://www.instagram.com/forteresse.qc/
Les Patriotes et la rébellion de 1837
Avant de parler des batailles et de leurs suites, il est important de rappeler qui étaient les Patriotes et pourquoi ils se sont levés contre le gouvernement colonial britannique.
Au début du XIXᵉ siècle, le Bas-Canada (le Québec d’aujourd’hui) était dirigé par des élites loyales à Londres. Les Patriotes, issus principalement de la population francophone et rurale, réclamaient plus de droits politiques, une meilleure représentation et la fin de l’injustice économique et sociale qui pesait sur eux. Ils voulaient protéger leur langue, leur culture et leur autonomie face à un pouvoir qui les ignorait et les opprimait.
Le mouvement a pris de l’ampleur avec la Société des Fils de la Liberté, qui organisait rassemblements, pétitions et actions symboliques pour faire pression sur le gouvernement. La tension monta rapidement, et face au refus britannique de négocier, certains Patriotes décidèrent de passer à l’action armée, marquant le début de la rébellion de 1837.
Cette première partie historique permet de comprendre que la révolte n’était pas un simple geste impulsif : elle était la conséquence d’un long processus de frustration et de résistance, profondément enraciné dans l’identité et la mémoire collective du peuple québécois.
Les batailles de 1837
La rébellion de 1837 se concentra sur trois affrontements majeurs, qui montrèrent à la fois le courage des Patriotes et les limites de leur mouvement face à un gouvernement bien organisé.
- Saint-Denis (23 novembre 1837) : c’est la seule victoire des Patriotes. Sous la direction de Wolfred Nelson, ils réussirent à repousser les troupes britanniques. Cette victoire, bien que symbolique, donna un souffle d’espoir à tout le mouvement et montra que la résistance était possible.
- Saint-Charles (25 novembre 1837) : seulement deux jours plus tard, les Patriotes furent vaincus par les forces coloniales. Cette défaite porta un coup dur à leur moral et marqua le début du recul progressif de la rébellion.
- Saint-Eustache (14 décembre 1837) : bataille décisive qui mit fin à la révolte de novembre. Le village fut écrasé et incendié, et les pertes patriotes furent lourdes. La répression qui suivit fut implacable, avec de nombreuses arrestations et exécutions.
Ces trois batailles montrent que, malgré leur courage et leur détermination, les Patriotes se heurtaient à un pouvoir bien plus fort. Mais l’histoire se souviendra surtout de leur audace et de leur volonté de défendre leur dignité, même face à la défaite.
Les conséquences et le symbole de la rébellion
Après la défaite de Saint-Eustache, la répression fut sévère. Plusieurs Patriotes furent capturés et pendus, d’autres furent déportés ou emprisonnés. Ces événements tragiques marquèrent profondément la mémoire du Québec et firent des Patriotes des symboles de courage, de résistance et de dignité face à l’oppression.
C’est exactement ce que Forteresse cherche à transmettre dans Thèmes pour la Rébellion. Chaque note, chaque riff, chaque refrain évoque non seulement la force et l’espoir héroïque, mais aussi le poids de l’histoire et le souvenir de ceux qui ont tenu tête contre des forces supérieures. L’album devient ainsi un hommage sonore, une manière de garder vivante la mémoire des Patriotes et de rappeler que la rébellion est, avant tout, une question de dignité et de fidélité à ses convictions.
*Je ne suis pas historien, mais je tenais à ajouter un peu de contexte à cette chronique. Il est possible que certaines erreurs se soient glissées dans ce texte. Pour ceux qui souhaitent approfondir le sujet, voici quelques ouvrages de référence sur les Patriotes et la rébellion de 1837.
Films
- “Febbre 1837” / “Les Patriotes” (1990, Pierre Falardeau)
- Classique incontournable, c’est le film de Falardeau sur les rébellions du Bas-Canada. Très fidèle historiquement, il dépeint les Patriotes comme des figures de courage et de résistance.
- “Quand je serai parti… vous vivrez encore” (1998, Pierre Falardeau)
- Film moins connu, mais qui traite aussi de l’histoire des luttes québécoises et de l’engagement patriotique.
- “Les Ordres” (1974, Michel Brault)
- Bien que centré sur la crise d’Octobre 1970, il montre la répression d’un peuple et la résistance, ce qui rejoint symboliquement la mémoire des Patriotes.
Livres
- “Le Temps des Patriotes” (Lise Bissonnette, 1992)
- Une excellente synthèse historique sur les Patriotes et la rébellion de 1837. Accessible et rigoureuse.
- “Les Patriotes de 1837-1838” (Yvan Lamonde)
- Étude détaillée sur les événements, les batailles, et les figures clés.
- “1837 : Les Rébellions des Patriotes” (Gérard Filteau)
- Ouvrage très documenté sur le contexte social et politique, ainsi que sur la mémoire des Patriotes.
- Pierre Falardeau, essais et textes
- Outre ses films, Falardeau a écrit plusieurs textes et entretiens sur le nationalisme québécois et la mémoire des Patriotes, souvent publiés dans L’Aut’Journal ou regroupés dans des recueils.